L'ancien couvent de Matra

Bien visible depuis le village, il est situé en contrebas de la route départementale 16.

Il est impossible de le visiter tant les risques d'éboulement sont grands: c'est en effet une ruine où presque toutes les traces de son passé ont hélas disparu.

Ancien couvent de Matra vu depuis le village

L'édifice a été bâti en 1642 et sa construction est contemporaine de ce vaste mouvement religieux qui a touché l'église catholique entre le milieu du XVIème et le millieu du XVIIème, pour faire face à l'extension de la Réforme. Il fallait à tout prix que Rome s'impose face aux idées réformistes qui se propageaient en Europe. C'est ainsi que le Saint Siège a permis à des communautés religieuses de s'installer dans l'île, grâce notamment aux fransiscains, et particulièrement un ordre mineur de ceux-ci: les Récollets (les Osservanti en Corse). Ces communautés ont eu pour mission de conforter l'autorité du pape à travers leur enseignement et leur pratique religieuse: de la présence sur le terrain, en quelque sorte. Ce vaste mouvement a laissé dans nos villes et nos villages de l'île les plus beaux chefs-d'oeuvre de l'art baroque, lequel est bien l'art de la Contre-Réforme au service de Dieu.

Dégager un plan de l'ensemble n'est pas évident sur le terrain, mais le cadastre napoléonien nous donne ci-dessous un aperçu de l'agencement des bâtiments de cet ancien couvent. Pour précision, le Nord est à gauche de la gravure.

Extrait du cadastre napoleonnien couvent de Matra

L'édifice a considérablement souffert de l'outrage des siècles: murs et voutes écroulés, enduits quasiment disparus: bref, l'ancien couvent de Matra est bien une ruine qui semble irrécupérable sur le plan patrimonial. C'est une situation d'autant plus dommageable qu'il y avait là un potentiel architectural et historique qui aurait pu valoriser le village de Matra sur le plan touristique. 

L'abbé F. GIROLAMI-CORTONA, en 1893, le décrit ainsi dans sa "Géographie générale de la Corse":

" C'était un édifice solide et d'une excellente architecture. De la porte d'entrée de l'église, on voyait célébrer en même temps la messe dans dix chapelles. Le maître-autel, ses marches, le tabernacle et les cintres des portes étaient d'un beau marbre et travaillés avec beaucoup de goût; la statue de Saint Antoine, aussi de marbre, et placée au-dessus de l'autel sous son invocation, paraissait l'ouvrage d'un ciseau exercé et peu ordinaire. Il n'existe plus rien de tous ces objets dans ce temple aujourd'hui totalement dégradé. L'église appartient à la commune de Matra, et l'édifice, qui dépérit tous les jours, est à des particuliers. Ce couvent a été fondé en 1642 et dédié à la Vierge."

Malgré les outrages du temps, quelques éléments architecturaux sont encore visibles: dans le couloir d'entrée, sur le côté gauche, on distingue par exemple un pilastre (photo ci-dessous). Généralement, il est difficile d'apprécier la hauteur des différentes pièces de l'édifice tant l'accumulation des gravats est impressionnante, dépassant largement le mètre en certains endroits.

L'entree du couvent

 

C'est néanmoins dans l'église elle-même que se distinguent les éléments les plus caractéristiques de l'art religieux: une chapelle latérale a ainsi conservé un chapiteau qui s'appuie sur deux pilastres: au centre, une niche devait abriter une statue, ce qui signifie que l'on est en présence d'un autel majeur. Le chapiteau possède encore ses architraves et ses corniches, de facture baroque. En partie haute, quelques pierres en surplomb suggérent la présence d'un édicule.

L'église du couvent: detail d'architecture

 

Dans une autre chapelle latérale, miraculeusement, des fresques sont encore visibles, là aussi caractéristiques de l'art baroque avec des colonnes torses peintes "a fresca".

Fresques sur une chapelle laterale

Fresques: détails

 

A noter que le couvent, à défaut de religieux, accueille de nos jours une sympathique colonie de chiroptères (espèce protégée à ne pas déranger !)

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