Tours génoises

Les tours génoises et la piève de la Serra

Le terme de "tour génoise corse" est en fait un terme générique qui cache des concepts architecturaux et des usages différents.

D'emblée, il faut différencier les tours de guet, destinées à un rôle défensif et d'alerte, situées pour la plupart le long du littoral insulaire, et les tours d'habitation fortifiées que l'on trouve essentiellement dans les villages.

Zuani, dans l'ancienne piève de le Serra, compte cinq de ces dernières. L'abbé Jean-Ange GALLETTI, dans son histoire illustrée de la Corse, publiée en 1863, en fait d'ailleurs mention. (N.B.: à l'époque où l'ouvrage a été écrit, l'époque dite "moderne", entre la fin du XVème siècle et 1789 n'était pas encore définie comme telle par les historiens).

Tours de zuani

Le point commun de ces constructions est qu'elles datent toutes de la période génoise:cette période, il faut le rappeler, s'inscrit entre le XIIIème et le XVIIIème siècle.

Pourquoi ces "tours génoises" ? Elles trouvent leur origine dans le contexte très troublé du domaine méditerranéen en général, et de la Corse en particulier. A partir du VIIème siècle  le mare nostrum de l'Antiquité romaine a vécu pour laisser la place aux invasions barbares d'une part (les Vandales ont fait des incursions remarquées en Corse) et aux incursions barbaresques venues d'Afrique du Nord d'autre part. Si lesVandales ne se sont pas attardés dans l'île ou se sont fondus rapidement dans la population locale, il n'en n'a pas été de même des Barbaresques qui ont attaqué l'île de façon permanente -ainsi que les îles voisines- au cours de razzias dévastatrices et meurtrières. Cette situation s'inscrit dans un contexte plus large où christianisme et islam s'affrontent, notamment au cours des croisades et plus tardivement lors des guerrres de conquête de Soliman le Magnifique. Dès le XIIIème siècle, la République de Gênes s'alarme de cette situation qui nuit à son développement économique et à sa stratégie de domination du bassin méditerranéen, du moins dans la partie tyrrhénienne. A la fin du XVème siècle, devant l'insécurité grandissante en raison des razzias de plus en plus nombreuses et féroces, Gênes décide de doter la Corse de tours de guet destinées à prévenir les populations locales de l'imminence de débarquements barbaresques: c'est ainsi qu'au cours du XVI ème siècle, plus de quatre-vingt dix tours, pour la plupart rondes et à deux ou trois niveaux, sont érigées sur les côtes de l'île, de préférence sur des promontoires rocheux de façon à ce que les gardes dévolus à la surveillance du littoral puissent mieux scruter la mer et alerter les populations locales de la présence de voiles barbaresques à l'horizon, signes inéluctables de pillages et de tueries. Certaines d'entre-elles, mieux conservées, possèdent encore aujourd'hui leur bretèche destinée à protéger l'entrée (tour de Caldarello ci-dessous, sur la commune de Pianottoli).

tour de Caldarello

Santa maria

Ci-dessus, la tour de Santa Maria, à l'extrémité du Cap Corse, est certainement la plus "photogénique", avec son pied dans l'eau.

La tour de roglianu

La présence de ces tours de guet n'empêchait toutefois pas les Barbaresques de débarquer ( voir l'article e sentinelle di a pieve consacré à la tour de Diana) et de pénétrer à l'intérieur de l'île, là où se trouvaient les villages. Remontant rapidement par les crêtes, les intrus pillaient tout sur leur passsage et faisaient des prisonniers destinés à alimenter leurs marchés aux esclaves; les vieillards, les femmes et les enfants subissaient en général un sort plus funeste...

Devant cet état de fait, les notables locaux ou ceux qui disposaient de quelques biens ont fait édifier des maisons fortifiées de façon à exercer une défense passive: c'est à l'origine de la construction de ces bâtisses carrées, de deux ou trois, voire quatre étages, et qui avaient la particularité de n'avoir d'ouverture qu'à partir du premier étage. Les occupants de ces demeures accédaient chez eux par une échelle en bois qu'ils retiraient à la première alerte. De plus, de petites ouvertures permettaient de tirer à l'arquebuse sur les assaillants.

Tour d'habitation à Zuani

tour d'habitation zuani

 

La structure même des tours révélait l'état des finances de leurs propriétaires. Les plus remarquables possédent des murailles très épaisses, doublées à la base de contreforts (voir photos) qui leur permettent une meilleure assise sur le substrat rocheux. Certaines d'entre-elles ont des murs dépassant deux mètres d'épaisseur à la base. Les fenêtres qui ornent les façades sont en général plus contemporaines ( ce qui explique que certaines se soient partiellement écroulées et aient été rebâties !) A l'origine, les ouvertures étaient plus minimalistes.

En dehors de ces deux types de tours, on distingue des cas atypiques de tours littorales carrées ou de tours de guet carrées et situées à l'intérieur des terres (c'est le cas de la tour de Solaro, dans le Fium'Orbu). Il faut savoir enfin qu'il existe des tours génoises hors de Corse.

tour de solaro

 

Quelques rares tours ne sont pas d'origine "génoise": c'est par exemple le cas de la tour de Nonza, construite sur ordre de Pascal Paoli pour défendre San Fiurenzu, au cours de la deuxième Révolution corse. 

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